Quelque chose ne tournait pas rond dans la douceur de cette nuit d’été. Lilian avait tout lu. Chaque mot noté dans ses carnets. 10 ans de la vie de son beau-père. Il ne lui avait toujours rien dit. A chaque page tournée, dévorée, méditée, il s’est demandé plusieurs fois comment il avait pu rencontrer son beau-père. Chaque calligraphie appelle à la délivrance d’un homme. Celle d’aller là-bas. Le Samadhi…
Lilian se tourne. Il regarde sa femme. Sa fille. Elle se prépare depuis des semaines à partir. Son boulot l’emmène loin. Ce projet de film dans le Kérala, c’est sa bouée de sauvetage, sans cela, elle aurait tout dévasté sur son passage. Sa famille comprise. Surtout sa famille. Pas lui. Pas les enfants. Non. Ses frères, sa mère. Chacun.e s’est replié sur ses terres. Comme s’ils savaient qu’aujourd’hui, il est trop tôt pour se parler. La colère des un.es viendrait se fracasser sur l’acceptation douce des autres. Ni l’un ni l’autre n’a raison, ni tort. Ils construisent leur séparation chacun.e à leur manière. Juste qu’ils se blesseraient sans retour à essayer de se comprendre. Le temps parfois…
Lilian pense à ses moments passés avec lui. Il se demande comment on peut vivre avec autant de douleurs, de plongées, de larmes enfouies ou vécues, seul. Rien n’était jamais présent. Il y avait bien ses moments, comme si la vie autour de lui n’avait pas d’importance. Comme si il n’était pas là. Puis ce léger sourire. Ses yeux. Quand ils se retrouvaient à trois, ils parlaient bien de ses phases dépressives, celles qu’il avait décidé d’accepter sans plus se battre. Juste accepter. Méditer. Il partait bien dans quelques considérations qui parfois étaient difficilement compréhensible… comme si tout se jouait ailleurs, pas sur cette terre, ailleurs… Le Samadhi…
Le soleil commence à s’élever doucement. Les oiseaux piaillent. La fenêtre légèrement ouverte, un léger vent frais parcourt son échine. Il trésaille. Sa main vient se poser sur sa cuisse. « tu ne m’embrasses pas ? »… elle se retourne, lui prend sa main. Il l’entoure de ses bras. « Les enfants dorment toujours, non ? ». Elle dépose ses lèvres sur les siennes. La vie s’éveille. Leurs corps s’appellent. Ils s’invitent à la partition de leurs envies. De leur amour. Elle laisse exulter chaque parcelle de vie. Il la suit. Elle sait qu’il s’inquiète pour elle. Elle sait qu’il a lu les carnets. Elle sait. Cela fait 10 ans qu’elle s’en imprègne. Des années à savoir que son père n’attend plus que de partir. Juste leurs yeux. Elle/Il jouit… et de concert, dans une harmonie, celle du Samadhi… ils rient.
{Prenez soin de vous… et des personnes que vous aimez… des corps… des peaux… des âmes…profondément… intensément… même dans l’absence…}