Partir des définitions communes permet parfois de mieux appréhender l’objet qui nous construit.
Finalement, c’est quoi un pacte, c’est quoi l’excellence ?
Pacte : « accord solennel conclu entre deux ou plusieurs personnes ».
Dans ce cadre, le pacte d’excellence est donc un accord qui présente un caractère majestueux, grave, important. Surtout, il semble qu’il doit être conclu entre plusieurs acteurs. Au vu des personnes autour de la table, il semble que ce soit avec les acteurs institutionnels. Les groupes de travail sont constitués de représentants de fédération de PO, d’universitaires experts parfois dans le domaine scolaire, parfois pas d’ailleurs, des syndicats, … mais pas de traces des acteurs de terrain. Le terrain, c’est pour les enquêtes en ligne, après les institutionnels, sans doute plus à même de comprendre ce que les experts que sont les enseignants construisent sur le terrain. Un peu comme si pour modifier fondamentalement la fonction politique au sein de notre pays, nous n’invitions les députés, ministres et autres mandataires communaux que tout à la fin quand les docteurs en sciences politiques, en démographie et en management public auront déjà abordé la question dans tous les sens et en ayant eu soin de le publier via les médias, diffusant déjà dans l’esprit des gens les mesures de changement que les experts de terrain devront subir. Le témoignage le plus édifiant du déni de la parole et de l’action enseignante de terrain, fonction publique et acteur public par essence, étant de se baser sur l’expertise de MacKinsey. Un peu comme demander à Goldman Sachs d’analyser le fonctionnement et le coût de la sécurité sociale dans les démocraties européennes. Situé.
L’autre élément qui apparaît concerne la question de la représentativité et de la légitimité des institutionnels dans le cadre des groupes de travail ici, dans le cadre de décisions politiques ailleurs. En effet, comment comprendre la présence de Philippe Maystadt par exemple et pas celle de madame Gironde, enseignante depuis 20 ans, dans un environnement scolaire délicat ? Comment comprendre l’importance des acteurs universitaires face aux praticiens réflexifs ? Comment comprendre la représentation de mouvement pédagogique par rapport à d’autres ? Cela n’enlève rien à la qualité réelle des personnalités et acteurs institutionnels qui ont constitué les groupes, mais c’est indicateur de niveau d’importance des différents acteurs.
Ce qui aurait été réellement novateur, c’est constituer des groupes avec les mêmes acteurs et des acteurs de terrains, de tous les niveaux, de toutes les filières, de toutes les maisons qui peuplent notre système scolaire. C’est la peur qu’il semble y avoir à intégrer les acteurs de terrain à ces groupes, à confronter les différents experts aux praticiens réflexifs, et vice-versa, à pouvoir construire ensemble finalement avec la même considération et non pas de manière cloisonnée, y intégrant ici des degrés d’importances dans le processus.
Or donc, il était question de pacte. Et donc d’excellence. L’excellence… « Qui est dans son genre à un degré éminent ». Eminent… « Qui est au-dessus du niveau commun : qui se distingue par sa supériorité, ses qualités » ;
L’excellence. Oui. Comment être contre en fait ? Néanmoins… Au-dessus du niveau commun. C’est quoi le niveau commun. Etre supérieur. Cela fait déjà un peu plus peur. Supérieur à quoi, à qui ? Pourquoi surtout ? Dans quel domaine ? Avec quels buts ? Devons-nous être « excellent » dans tout et pour tout ?
J’en doute. Bien entendu que l’école doit permettre à nos enfants de progresser, de se développer, d’apprendre. Elle doit surtout lui permettre de s’épanouir, de trouver sa place, de mieux appréhender la réalité sociale, de s’émanciper. Doit-il pour autant être supérieur ? Doit-il pour autant être au-dessus du niveau commun ? Et s’il n’y arrive pas ? On l’élimine ? On le jette ? On lui impose un régime drastique de travail supplémentaire ?
Ce qui me frappe, c’est qu’on n’aborde pas la question du bien-être. Nos enfants, nos jeunes, nos élèves ne sont pas des bêtes de foire, des statistiques, des êtres déshumanisés. Nos écoles, nos équipes pédagogiques ne sont pas des espaces chiffrés, linéaires, interchangeables. Chaque espace scolaire construit des histoires, des pratiques, des manières de faire. Et le souci des acteurs, mais sans doute aussi de la société dans son ensemble, c’est que ce qui doit être au cœur de nos pratiques et de nos objectifs, c’est le bien-être des acteurs permettant à chacune et chacun de pouvoir se déployer, se construire, et parvenir à trouver sa place dans la société. L’exemple récent des subsides du différencié marque ce passage à une société de la servitude, du chiffre, et de l’oubli de l’humain, des contextes, des situations, de l’importance des espaces de vie, des apprentissages informels, de la construction critique, de l’épanouissement… en somme le pacte d’excellence s’inscrit dans l’accord de la Grèce et de l’UE, dans la politique du gouvernement fédéral, dans le souci de répondre au marché… « Le compte est bon. Ces chiffres sont excellents ! »
Le projet de ce pacte d’excellence est profond : Modifier la raison d’être de notre enseignement et en redéfinir les critères de qualité. Il s’agira désormais de façonner des têtes et des mains pour garantir l’approvisionnement des structures de décision et du travail de notre société néolibérale. « Tes chiffres sont excellents ? Tu prends la voie des études de la tête et tu deviens décideur. Ou bien expert, si tu ne parviens pas à assumer que décider, c’est renoncer. Et tu contribues au pacte d’excellence. Tes chiffres sont mauvais ? Tu prends la voie des études « différentes » et tu… contribues au pacte d’excellence !! »
Apprends petit à cultiver l’excellence… si tu y arrives, tu seras dans les « bons »… Sinon, tes qualités inférieures ou de niveau commun nous seront utiles aussi ailleurs… et toi l’expert de terrain…d’un soldat nous avons besoin… pas un penseur… pas un réflexif trop exigeant…alors participe mais après… obéis sans trop critiquer… c’est aussi cela l’excellence…