[Parenthèse 14… ]
{Le soleil était déjà assez haut dans le ciel. Le bleu qu’il laissait refléter augurait d’une journée estivale rayonnante. Les mouettes commençaient déjà leur sarabande. Les vols planés ne portaient pas à confusion quant à la précision et la vélocité de leur rapacité. Les quelques jeunes crabes emportés par leur fougue de découvrir les beautés de cette plage, espace virevoltant au gré des vents, se trouvaient vite dépourvus d’une once de mouvement de vie, coincés dans le bec acéré de ces escadrons intelligents.
A quelques mètres de là, les tongues et autres baskets étaient jetées de ci et de là en pâture aux grains de sables qui se réjouissaient déjà de s’infiltrer patiemment dans chaque recoin abandonné de ces objets textiles parfois inusités le temps d’une journée. Leurs âmes aventureuses se voyaient déjà se poser dans les différentes villas. Les plus anciens racontaient parfois la folle aventure qui s’ouvraient à eux quand, accrochés à des peaux huilées et badigeonnées, la douceur de l’eau non salée les envoyaient valguinder dans une escapade retour vers la mer et finalement les plages de ces différentes contrées. Peu connaissaient ces récits épiques racontés les soir d’été sur les plages abandonnées.
Les plus méticuleux avaient déjà commencé la construction précise, et sans doute réfléchie la veille, de châteaux dont l’issue était de succomber inévitablement à la marée. Les plus avertis pouvaient noter qu’il était parfois difficile de séparer les adultes des enfants dans la montée en puissance des axes et des tas qui se dessinaient sur la plage. Appliqués, il n’était pas rare de constater que finalement c’était les pères et les mères qui s’acharnaient à fignoler et peaufiner des détails pendant que les enfants étaient occupés à s’affairer à d’autres sujets de société, comme le fait d’observer un coquillage à la beauté raffinée.
Les joggeurs et joggeuses, en témoins avisés des différentes vies qui s’activaient sur les plages qu’ils foulaient avec intensité, s’amusaient parfois de ces jeux de rôles inversés, non sans apprécier la beauté assumée de ces espaces aérés. Les foulées dans le sable légèrement compactés donnaient la sensation étrange que les kilomètres avalés sur ce biotope particulier pouvaient vous donner plus de force ou plus de profondeur, un peu comme dans ses jeux où des espaces configurés que vous ingérez vous donnent une taille multidimensionnée. Les marcheurs contemplaient d’ailleurs les regards et les foulées de ces corps ailés avec un sourire de contentement, comprenant les sensations que les cœurs de ces acteurs injectaient à leurs corps et leurs âmes dans cet instant d’harmonie intérieure.
Au milieu du gué, son corps en mouvement, chaque muscle répondant à l’action synchronisée de chaque tendon appelant lui-même chaque parcelle de peau à se tendre et se détendre, il empruntait les marques des deux amoureux qui s’adonnaient à leur danse quotidienne quelques mètres devant lui. Sans vraiment s’en apercevoir, cela faisait maintenant quelques jours qu’ils se retrouvaient tous les trois à courir aux mêmes endroits, la foulée de leur jeunesse étant légèrement plus rapide que la sienne, qui commençait doucement mais sûrement, à sentir le poids des kilomètres, il s’avérait qu’il les suivait chaque fois, lui laissant l’occasion de s’imprégner avec pudeur des marques d’attention et de douceur que ces deux-là pouvaient partager. Il lui arrivait parfois, dans ces moments-là, d’espérer qu’elle finisse par apparaître, lui prenant la main délicatement et l’embrassant subrepticement. Il souriait alors infiniment, sans augmenter ni sa foulée, ni sa respiration. Cela faisait longtemps maintenant que c’était comme cela. Il était en paix désormais. Il l’aimait et rien n’y changerait.
Sur la plage, alors que les châteaux deviennent des forteresses, que les enfants rivalisent de prouesses, que le soleil s’enfonce un peu plus dans les pores déjà colorés et abandonnés, que les mouettes se délectent et que les grains, mouillés, se déposent, collés serrés sur les gouttes d’eau qui flottent sur les peaux, que les deux tourtereaux se retournent pour le saluer et l’inviter à terminer ensemble leur parcours quotidien, en espérant se délecter de la tendresse gargantuesque qu’il laissait transpirer, quelques mots résonnent dans ses oreilles au son électronique et mélancolique… Il accélère la cadence… Il sourit… Il vit…}
[ De la douceur…quelques sourires… ]
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