Les lumières chatoyantes s’invitaient dans le ciel de fin de journée, où un soleil rougeoyant déclinait sur la ligne d’horizon que l’océan profilait depuis la plage. Les feux commençaient à crépiter et les chants s’élevaient depuis la maison d’Anjali et de Dimitri. Le long des rues, les rickshaws klaxonnaient s’en discontinuer, donnant aux chants des quartiers visités des allures de canon improvisé.
Anjali n’entendait plus sa voix, ni celle de Dimitri. Drapée d’un sari rouge vif aux bordures dorées, la peau de son bras laissait deviner les mehndis dessinés à l’henné, magnifiant sa beauté naturelle. Dissimulé, le tatouage du Om/Aum, réalisé le soir où ils se sont dit oui. Symbole de la totalité de ce qui existe, du passé, du présent et du futur, ils n’avaient pas trouvé plus doux pour être eux.
Arrivés autour du feu principal, les danses et les chants reprirent de plus belle. Habillé d’un vêtement noir, et d’une écharpe rouge, il s’avança vers Anjali. Tout y était, et tous surtout : le prêtre de l’église Saint Thomas, le sud étant chrétien aussi, et les prêtres hindouistes, le tout dans un brouhaha vivant et pétaradant. Sur les tables, les convives, en somme les habitant.es de leur quartier et les collègues de travail, plus quelques touristes résidents permanents devenus des ami.es au fil du temps. Iconoclaste, Anjali et Dimitri savaient très bien que cela pourrait dégénérer. Des fanatiques, il y en a partout, dans toutes les villes, dans toutes les religions et dans tous les pays du monde. Leur mariage avait pris une tournure multiculturelle, symbole de l’amour qui transcende.
Après quelques heures de rires et de danses, Dimitri était allé se poser devant la mer, les pieds dans le sable, légèrement à l’écart. Anjali continuait à rire avec quelques jeunes du quartiers. Elle était toujours aussi resplendissante malgré la fatigue à répondre à toutes les sollicitations. Assis, il ferma les yeux. Il pensait à ses enfants, à Alicia, leur maman. Il les imaginait ensemble, fêtant Noël, les anniversaires, une nouvelle année qui commence. Les rires. Les doutes. Les petits-enfants qui courent. Il pensa à elle aussi. Avec son mari. Son sourire. Sa voix. Les choix qu’ils ont posé tous les deux. Leur amour éternel. Des flammes jumelles. Il sourit, pendant que quelques larmes coulent le long de sa barbe. L’ours.
Sa main vient délicatement se poser sur sa nuque. Elle caresse son visage, les doigts se mêlant aux poils blancs qui cachent ses traits fatigués. Elle plonge son regard dans le sien. Vert/bleu. Mattéo lui disait toujours bleu pendant qu’il pensait vert. Elle s’assied. Derrière eux, leurs ami.es continuent à danser, à s’aimer, sans plus se soucier de ce qui est ou pas, de ce qui existe. Anjali se demande d’ailleurs si tout cela est réel. La nuit est noire, comme toutes les nuits dans le Kérala. A la lumière tamisée des feux qui s’éteignent peu à peu, ils regardent leurs corps, ils auscultent leurs âmes. Leur solitude, réciproque, qu’ils ont dépouillée petit à petit, dans un détail d’une main, d’un sourire, d’un café ou d’un thé, d’un pas pour la raccompagner, d’un appel pour le soigner, d’un enfant ramené. Leur confiance, déchirée, qu’ils ont pansée, dans la profondeur de leur vérité, dans leur nudité, dans un geste posé sur des corps plus habitués à être caressés, dans des mots plus prononcés sans crainte d’être trompés.
La tête sur son épaule, Anjali dépose délicatement sa main dans la sienne… son pied posé sur le sien, quelques grains de sable se faufilant entre leurs doigts, il ferme avec douceur sa main dans la sienne, les Om/Aum se croisant mutuellement… ils ferment les yeux pendant que leurs cœurs, et sans doute dans leurs âmes s’ouvrent éternellement…
{Joyeux Noël… belle année 2023… pleine d’amour… prenez en pour vous, et les personnes que vous aimez…partagez le… avec les corps, les cœurs et les âmes… même loin… à chaque instant…}
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