12 février

Écrire le jour de ses 46 ans, c’est se confronter au temps. A sa vitesse. Inexorable. Hartmut Rosa défend l’idée que l’expérience majeure de la modernité, c’est celle de l’accélération, tout devient de plus en plus rapide. On voyage plus vite. On travaille plus vite. On mange plus vite.[1] Dans cette frénésie de l’immédiateté, les années n’ont pas été… elles ont défilé…

Alors s’arrêter un instant pour constater, au-delà du miroir qui renvoie la barbe grisonnante et les rides qui se creusent au coin des yeux, qu’il y a encore quelques minutes, j’étais dans le hall de l’école, avec mes ami.es, à attendre la proclamation de rhéto. Ou encore il y a peu à appeler la famille et les ami.es à la naissance de mes enfants.  C’était hier. Il y a presque 18 ans, 15 ans et 9 ans… 

Si je vais plus loin, je ne sais pas. Ou je ne me souviens pas. Ou je n’arrive pas à me souvenir. Déchirant. Parfois, on aurait aimé ne pas se souvenir finalement…

Le temps. Vieillir. J’ai toujours aimé vieillir. Cela nous rapproche de l’épure. Les traces. Les marques. Les coups. Les maladies. Les questionnements. Les rires. Les sourires. Les joies. Les corps. Les rencontres. Les pays. Les sensations. Aimé et être aimé. Les âmes. Se rencontrer. Vieillir, c’est se permettre de contempler. C’est constater que la vie peut faire sans nous. Et peut-être enfin vivre… je ne sais pas… 

Avec le temps qui passe,  c’est se demander ce qui nous reste. Pour prendre une main. Sa main. Ce sont nos corps qui nous rappellent que le temps file. Plus vite que prévu. Bien plus vite. Que c’est court, même si cela nous est apparu parfois long. Trop long. Ou bien plus court que ce que nous pensons. D’un coup, ou plutôt d’un mot, le temps n’apparaît plus comme une donnée maitrisable. Il s’accélère. Rien à voir avec la modernité. Juste avec notre corps. Notre mémoire. Ou l’absence graduelle de mémoire. L’épure. 

Le temps. Comme celui qu’Isabelle Carré n’a plus dans « se souvenir des belles choses ». Que reste-t-il de nos temps quand on perd la notion de ses temps vécus… ? renversante… 

Le temps. Comme dans « Le premier jour du reste de ta vie ». 5 journées particulières. 12 ans pour faire le portrait d’une famille. Et ce moment suspendu d’amour entre Zabou et Jacques Gamblin au moment de… Disparaître… que reste-t’il pour se souvenir ? une odeur… son odeur… 

Le temps. Comme les minutes intemporelles d’une chanson, celle qui vous sied, les yeux dans les yeux de votre amour, dans le salon ou dans une soirée… ces minutes à se dire sans parler, le temps qui se fige, juste un sourire, des corps qui sont des âmes, nos yeux dans les siens, ou est-ce le contraire…  il n’y a plus de temps… juste l’Amour… 


[1] Rosa Hartmut, Accélération. Une critique sociale du temps, Ed. La découverte, 2013