En cette période plutôt maussade, froide, parfois glaçante, nous pouvons parfois avoir l’impression de ne plus être que des couches. Des ombres aussi… La pandémie n’a pas arrangé ce sentiment diffus que nous nous enfermons, les masques marquant l’impossibilité même de percevoir nos sourires… et ceux des corps croisés dans les rues…
Les corps. Nos corps… Ils racontent bien des histoires. Nos histoires… Une maladie vaincue. Un défi réalisé. Muscles saillants. Visage balafré. Prothèse. Claudiquant mais vivant. Quelques cernes. Boulimie ou anorexie. Les rides… un pacemaker… un trail à terminer… un enfant qui va arriver…
La sociologie du corps… et le tatouage… selon les moments de l’histoire et les lieux, œuvre d’art, marquage social, stigmate, ou inhérent à des groupes déviants pour certains[1], peinture, narration corporelle pour d’autres… une histoire surtout…
Celle d’un rapport au corps où, selon les endroits, il intervient pour s’ancrer dans des rites, dans des communautés d’appartenance, s’intégrer dans un groupe… celle d’un rapport au corps aussi pour raconter à soi… aux autres… le corps devient un livre.. une histoire… une mémoire…[2]
Celle d’une rencontre avec une tradition… un pays… parfois la découverte d’un corps… ou d’une âme… cela peut être une philosophie… un amour croisé… partagé… un moment de joie à immortaliser… ou l’incarnation corporelle d’un chemin vers le calme… la paix… trouver le mot… le symbole… le dessin… qui nous parle… qui nous permet aussi de regarder nos corps… parfois mutilés…. ou de les sublimer… ou d’aller plus profondément dans nos âmes en recherche ou abîmées… ou simplement apaisées… poser dans le regard de soi et de l’autre que nous sommes alignés… celle d’a(e)ncrer pour soi… comme un dialogue avec soi… avec les autres… dans la découverte… la rencontre… intérieure… et dans la construction d’un lien social… par l’échange que ce corps suscite…
« Alabama Monroe », 2012, Veerle Baetens… tatoueuse… et les histoires que son corps livrent… sublime… intense… le corps … et signifier l’importance de l’Amour…
« The Outsider », 2018, Jared Leto… et l’intégration d’un étranger dans la culture des Yakuza, passant par l’affirmation du corps… et son ancrage visuel… l’appartenance…
Et finalement, « asphalte »… Raphaël… « J’ai marché sur ta peau.. sur ton asphalte… j’ai marché, j’ai dansé sur ton cuir épais… j’ai marché sur tes lignes, marché sur tes croix… (…) »
Les corps… nos corps… ils racontent bien des histoires. Nos histoires… et celles de l’humanité… des peuples… des autres… de l’autre… de lui… d’elle… de l’amour… toujours…
[1] La déviance étant entendue au sens de Becker, dans « Outsiders » et son étude sur les musicien de Jazz et les fumeurs de Marijuana, c’est-à-dire que « la déviance est une propriété non du comportement lui-même, mais de l’interaction entre la personne qui commet l’acte et celles qui régissent à cet acte »
[2] Rioult C., Le tatouage: un certain regard sur le corps, Journal Français de Psychiatrie, 2006/1 n°24, in cairn.info
Le Breton D., Signes d’identité : tatouages, piercings, etc., Journal Français de psychiatrie, 2006/1 n° 24, in cairn.info