Comme dans la vie…

La fin d’année. Le temps des bilans. En décembre. Mais en juin aussi. Vague d’audimat. Grille d’été, grille de rentrée. Nombre d’auditeurs, de « visionneurs », de lecteurs. Les départs et les arrivées. Dans ce brouhaha, on ne parle pas de qualité. Plus grave pour moi, on n’aborde pas les émotions. Oui, on oublie cet aspect-là parfois quand on parle des CIM, des enquêtes, des panels. Le frisson d’une chanson exhumée un soir, tard. Les sourires, les rires, les pleurs, la colère, la douceur, l’apaisement. Toutes ces choses qui nous font aimer, écouter, plonger dans une émission. Non. « Tu » es 6% de part de marché, et tant pis si ce n’est pas assez mais que « tu » es quand même dans ces 6% qui aiment en fait ce qui est proposé. Pas assez mon loup.

Cela « m’emmerde » en fait ces chiffres. Surtout dans le cadre de radios qui ne sont pas privées. Parce qu’en somme, même si certaines émissions sont des « niches », finalement, ces auditeurs, qui ne sont donc pas toujours dans la masse, on leur dit qu’ils doivent l’être dans la masse. Même en radio, ils ne peuvent plus avoir un peu de diversité, de différence, d’autre chose. Ce qui fait que Vivacité ressemble à Belrtl qui ressemble à Nostalgie. Je ne dis pas que ce n’est pas bien. Mais cela ne fait pas tout.

Dans ce magma indifférencié, et sans saveurs souvent, en tout cas à mes yeux, il y a encore des moments de liberté. Des espaces de respiration, de découvertes, d’attentes. La Première en abrite plusieurs, et une à mes yeux qui symbolise ce que peut être la radio dans ce qu’elle est de plus admirable. Qui laisse le temps de parler. Donc d’écouter. Les silences. Les temps d’arrêt, au moment de la question et pour la réponse. Qui laisse l’invité expliquer. Sourire. S’offusquer. Proposer. Qui pose des questions peu banales. Toujours en rapport avec l’invité, pour l’invité, pour nous aussi. Qui peut déstabiliser. Une émission qui permet de découvrir des parcours cassés, cachés, inconnus ou méconnus, des faces sombres ou en demi-teintes. Des parcours qui croisent l’invité, le questionnent. Surprenant. Une émission qui n’en est pas une. C’est une invitation à un chemin de trente minutes. La radio en somme. Celle où on s’arrête. Magnifiée par une voix, par l’intelligence, par le respect, vis-à-vis de l’artiste, vis-à-vis de nous. Par le talent. C’est parfois lent. C’est très souvent juste. C’est humain. Avec des failles. J’ai parfois aimé certaines émissions à les écouter plusieurs fois (foncez écouter, entendre Baloji, Laurent Capelluto, Nathalie Uffner, Christa Jérôme, Marka…). J’en ai suivi d’autres avec moins de passions, et heureusement. C’est vivant. De la matière humaine. Des découvertes. Des artistes, connus et moins. C’est en somme de l’art ces 30 minutes.

Je ne sais pas si « Coupé au Montage » sera toujours dans la grille de rentrée. Ou si elle passera à la trappe. Mais ce que je voulais dire surtout dans ce billet, un peu différent, c’est que les chiffres n’expriment pas les émotions. Ils proposent des courbes. Ils ne peuvent expliquer l’indicible de l’instant que la radio, et certaines émissions, peuvent procurer. Délicatement. Avec le temps. Ils ne disent pas les rencontres et les bouleversements que ces émissions peuvent provoquer, parfois, dans une vie pour un instant d’une découverte inespérée, d’un livre proposé, d’un artiste rencontré.