Mon cher Charles,
J’ai hésité à prendre le clavier. Oui, dans l’ambiance si « feutrée » qui caractérise ton gouvernement aujourd’hui, je me suis dit qu’il te viendrait peut être l’idée de me ficher voire de m’expulser pour trahison à l’état, enfin peut être pas toi mais tes nouveaux amis peut être. Après, je me suis dit aussi qu’avec les consonances de mon patronyme, je n’avais tout de même pas trop de soucis à me faire, même si mon pédigrée politique balance un peu trop au centre gauche sans doute pour faire de moi quelqu’un d’honnête à tes yeux, enfin peut être pas toi mais tes nouveaux amis peut être, d’autant plus que je cumule avec le fait d’être enseignant, et que j’ai un diplôme de sociologie, tu sais, enfin, tu vois ce que je veux dire…
Soit, passons. Si je t’écris aujourd’hui, c’est simplement pour te dire que tu fais fausse route. A bien des niveaux. Sache quand même que je t’ai défendu au tout début. Je suis un démocrate. Donc, si tu avais réussi à construire une majorité issue des urnes, rien ne t’empêchait de pouvoir la mettre en place. En plus, je pense qu’il est bon d’avoir de l’alternance. Même le fait que tu sois d’un coup copain comme cochon avec les nationalistes flamands, qui considèrent les wallons comme des fainéants tricheurs et les bruxellois comme des quantités insignifiantes du pays, ne m’avait pas nécessairement choqué, partant du principe que tu respectais les principes de majorité qui permettent d’avoir le pouvoir. Puis finalement, c’était l’occasion pour vous de nous montrer qu’effectivement ce serait mieux…
Bon, ben, excuse-moi, mais on voit… et surtout on ressent et on entend, on subit… oui mon bon Charles, tu sais, la politique que tu mets en place, elle nous asphyxie, nous les communs des mortels. Je sais, tu vas me dire que l’Allemagne et le Royaume-Uni, par exemple, le font depuis de nombreuses années et qu’ils ont un taux de chômage relativement bas. Ouaip… ouaip… quand tu nous sors cet argument, je t’écoute toujours attentivement. Encore récemment au journal télévisé. Et j’en viens au fait que tu t’en fous de nous en fait, un peu comme Merkel et Cameron, et avant Thatcher, et sans doute comme l’UE et les tenants de l’orthodoxie ultralibérale, s’en foutent des individus, des gens.
Nous sommes quantités méprisables. Ce qui importe, ce sont des notions abstraites comme « le marché », voire « l’emploi » comme vous l’entendez… parce que qu’est-ce qu’un emploi si il se configure dans des conditions d’insalubrités avancées, si il ne permet pas de dépasser le stade de la pauvreté, si cet emploi se fait dans des conditions de pénibilités inacceptables, si cet emploi ne respecte pas les statuts des employés, des salariés… Tu sais, ces pays et surtout cette orthodoxie ultra libérale que tu mets en place, elle procure peut être de l’emploi mais quel emploi pour quelle vie de m… ?
Regarde les chiffres : le taux de pauvreté des individus, des gens que ces politiques là provoquent… en Allemagne, au Royaume-Uni mais aussi chez nous, doucement, avec les exclusions que tu mets en place…jamais ces taux n’ont été aussi élevés… cela touche nos proches, nos familles, nos enfants, nos aînés… avec l’amnistie fiscale que tu proposes pour les plus nantis… Tout cela est relativement écœurant… en somme, avec Angela, avec David, avec Thatcher en son temps, vous faites partie de ces décideurs politiques qui nous considèrent comme des pions, des unités, des chiffres… qui permettent d’atteindre d’autres chiffres qui vont contenter d’autres décideurs, économiques ceux-là, qui vont aimer ces chiffres qui leurs apportent d’autres chiffres, lucratifs ceux-là… en somme le bien-être des individus, de la société, tu n’en as rien à faire. Tout simplement. Le bien-être ne fait pas partie de ton agenda. Le fait que les gens, nous, puissions vivre dans un cadre décent, que nous puissions nous loger, nous habiller, nous soigner, manger, proposer à nos personnes âgées, à nos enfants, aux personnes fragilisées socialement et économiquement mais aussi simplement à nos concitoyens et concitoyennes des conditions de vies décentes, respectueuses de leurs conditions humaines ne fait pas partie de ta politique…Ne parlons même pas de la culture ou de l’éducation… tu l’as encore dit récemment au journal télévisé : l’emploi est ton obsession… l’emploi, mais les individus, les gens, les précarisés, les classes moyennes, le projet de société ?
Je pourrais m’arrêter là. Finalement, le poids de la précarité sociale, économique et culturelle dans laquelle tu nous plonges devrait suffire à ta peine. Mais avoue que tu cumules. Parce que tes amis nationalistes, là, tu les couves bien. Je sais, tu dénonces le racisme, la discrimination. Mais jamais tu ne cites les noms de ceux qui disent, qui chantent, qui profèrent. Soigneusement, tu globalises. Comme pour fondre le discours. Les propos de Bart… tu ne les as pas condamnés…. Tu as consciencieusement signifié le fait que tu n’accepterais pas les propos discriminatoires. Mais Bart… et Théo… et Siegfried… tu acceptes en somme de continuer à gouverner avec des individus qui, pour certains d’entre eux, ont dépassé les lignes acceptables pour les démocrates, pour toutes celles et tous ceux qui souhaitent que les individus puissent vivre ensemble…tu nous amènes petit à petit dans une société discriminatoire et liberticide… tu acceptes aussi insidieusement qu’il écrive la partition…
Les hommes d’état… tu sais, ceux qui, malgré le poids des intérêts personnels et de partis, parviennent à dépasser cet état et poser des actes forts, qui les grandissent mais surtout qui permettent à la société dans son ensemble, et aux individus qui la composent, de croître et de vivre dans une société ouverte et plurielle… tu en es loin… rien n’est perdu néanmoins, chaque seconde, tu as la possibilité de changer la trajectoire, non sans mal, j’en conviens… il suffit parfois de plus d’empathie pour les gens… et de se soucier réellement et sincèrement de leur bien-être…comme une obsession…