19 Mars

[Parenthèse 5… ]

{Elle s’était réveillée en entendant cet oiseau moqueur, perché depuis quelques semaines déjà au coin de sa corniche, aux alentours de 5h du matin. Son chant s’insinuait doucement, imperceptiblement dans ses pensées, envahissant à chaque aube ses rêves, des plus anodins aux plus coquins. Nue, la peau légèrement humide par la condensation de leurs deux corps en partie sous la couette, mollement étendue sur leurs peaux détendues, elle le regardait dormir.  

Elle n’avait pas joui. Elle sourit à cette pensée. Un de ses sourires sereins, accentuant le plaisir qu’elle avait eu à découvrir les gestes respectueux et impétueux, fragiles et ouverts, qu’il avait proposé tout au long de la nuit qu’ils avaient passée ensemble. Elle l’avait senti détendu quand elle lui avait pris la tête entre ses mains, sa langue cherchant non pas à performer, simplement à partager. Il n’avait pas joui non plus. Il n’avait pas l’air d’en faire une affaire. Sa puissance ne semblait pas s’incarner dans une explosion de liquide séminal qui viendrait clore la rencontre aussi brutalement qu’un coup direct accusant le KO d’un match de boxe. De la même manière, ils avaient ri de constater tous les deux qu’ils avaient aimé ce moment, alors qu’aucun des deux n’offraient à l’autre ces cris ultimes qui parcouraient l’inconscient collectif depuis la nuit des temps.

Il sent ses yeux posés sur lui. Il attend un peu. Il laisse le temps suspendre ce moment. Sa respiration, lente, laisse supposer qu’il est toujours en train de dormir. Il se remémore chaque instant, du moins les siens. Ceux de Manon, il ne peut que les interpréter, aux regards de ses propos qu’elle lui a partagé hier soir. 

13h20, gare du Midi. Rêveur, sa journée n’était pas la formalité prévue, sans être pour autant négative. Juste que les questionnements étaient plus présents. Perdu dans ses pensées, il n’avait pas anticipé que son fils déciderait d’arrêter ses études, à quelques mois de décrocher son diplôme, non pas pour partir dans un trip karmique au fin fond d’un pays asiatique comme pour appuyer encore un peu plus sur les clichés concernant les enfants de bobo, qu’il est, sans aucune autre honte. Les étiquettes sociales sont des marqueurs de réclusion sociétale, pense-t ’il souvent. « La prêtrise, papa… ». En soi, rien de grave, la foi n’a pas à s’expliquer, pour peu qu’elle respecte les autres voies. Toutefois, être réveillé à 4h du matin, sortir de son lit, descendre, voir qu’il a préparé une tasse de café, et commencer à parler, sans discontinuer. Et juste être là, comprendre, écouter, parfois intérieurement s’énerver de voir qu’il y a juste quelques mois, et puis après, prêtre, moine, brahmane… respirer. Le voir si délicat et peut être ne l’avoir jamais vu aussi porté, et clair.  

A cela, était venu s’ajouter son propre avenir professionnel. Il avait reçu une proposition de collaboration, nécessitant pour lui de devoir sans doute déménager s’il devait accepter. La Belgique est assez éloignée de l’Australie. Avec 2 enfants de plus de 20 ans, célibataire, et à la recherche d’un second souffle, il était tentant de dire oui, sans réfléchir.

Nathan :+320876543210 . Il lui tend ce bout de papier. Elle était là, avec ses valises, au milieu du hall. Elle lui avait souri quand il l’avait légèrement bousculée. Un léger accent. Ils s’excusent. Ils sourient. Quelques légères rougeurs parcourent leurs joues, quelque peu creusées, soit par le temps, soit par la vie du moment. Eux seuls le savent. Il avait continué son chemin. Elle était restée là, avec ses valises. Il s’était retourné. Elle continuait à le regarder. Il avait senti son cœur chauffer. Elle lui avait à nouveau souri. Ses pas étaient un peu erratiques. Ses yeux continuaient à le suivre. Il s’était arrêté. Brutalement. Elle avait vu qu’il avait sorti un morceau de papier. Il griffonne. Il hésite. Elle n’ose plus le regarder. Il repart dans sa direction. Elle avait senti son cœur chauffer. « Il/elle est devant moi », se dise-t-elle/il, ne sachant trop si ce qui se passe vraiment. Il lui tend ce bout de papier. Elle le prend. Ils sourient. « Belle journée », prononcent-ils en chœur. 

5H30. Elle l’embrasse. Il ouvre les yeux. Ils sourient, pendant que l’oiseau moqueur continue de chanter… Les âmes…}

[Librement inspiré d’un bout d’histoire que l’on m’a partagé…]