01 octobre

La pluie continuait à tomber. Drue. Les yeux rivés vers le plafond, Lissandro écoutait avec attention les moindres bruits venant du dehors. La fenêtre, ouverte, permettait à la maison de respirer. Doucement, Lissandro prenait soin de s’imprégner de la lenteur du moment. Dehors, quelques limaces arpentaient les chemins de terre qui menaient à leur maison, esseulée dans un quartier abandonné depuis quelques années.

Au loin, il entendait les bruits des sirènes. Les yeux ouverts. Doucement, il pose sa main sur son ventre. Manon esquisse un mouvement. Elle dort. Elle n’aime pas les périodes des pluies. 

Sa famille. Sa loyauté. Ce sentiment de passer à côté. Sans jamais le dire. Être là, pour les uns et les autres. Pour s’enfuir. Lentement. S’occuper des autres. Les yeux rivés sur le plafond, il écoute l’extérieur. Les sirènes. Sa respiration est de plus en plus lente. Sans un mouvement, il s’extirpe. Se regarde. Il sait que sa mère pense qu’il est lisse. Être là, tout le temps, sans un mot plus haut que l’autre. C’est être absent. Il aurait voulu partir avec son père. Il n’a jamais aimé la lâcheté. Les pieds dans la glaise, il faut rester. Combattre. Sa respiration n’est plus qu’un léger bruissement pas plus lourd que le corps diaphane de l’esprit saint cher à sa belle-mère.

La pluie continue de tomber. Sèche. Manon lui a tourné le dos. Les yeux rivés sur la fenêtre, elle écoute sa respiration. Elle sait qu’il n’est pas là. Il est parti. Quand ils ont commencé à se voir, il ne voulait jamais qu’ils dorment ensemble. Soit il partait dès qu’elle s’endormait. Soit il enfilait une tenue de running et il allait courir. Sa respiration. Elle écoute le bruit des sirènes. Les corps meurtris qui tombent. Elle pense à Matteo. Cette famille, ce clan, ces rôles que chacun joue, sans jamais abattre complètement ses cartes. Un atout dans la manche. Elle a toujours aimé cette famille. Tellement vraie dans son théâtre. Elle entend qu’il s’extirpe. Il regarde. Il doit être à la fenêtre. Comme chaque nuit. Elle se retourne, pose sa main sur la sienne. Il respire. Elle seule le sait. 

Sans un bruit, il le regarde. Assis dans le sable, son père discute avec une femme, belle, élégante, qui lui sourit. Elle l’aime. Sans doute que lui aussi. A sa manière. En pensant à elle. Il respire, se déplace lentement vers eux. Sans un bruit, il s’assied à côté d’eux. Il les observe. Son père parle de Matteo. De Laura. D’Alicia. D’Emma. Il respire doucement. 

Manon se lève. Dans quelques minutes, il sera de retour. L’aube pointe le bout de son nez. Quelques oiseaux ont commencé à chanter. La pluie continue à tomber. Lente. Les sirènes ont arrêté d’hurler. Les rues seront propres. Alicia et Romain ont envoyé un message. Ils viendront manger ce soir. Elle va proposer que Matteo et Sandra viennent, ainsi que Lilian et Laura. Il est temps de jouer.  Se disputer. De parler. De vider son sac. Le tonneau des Danaïdes. C’est toujours ici que cela se passe. Les chemins de terre, cela rend les gens avides d’authenticité. La pièce sera belle. Comme toujours. Les gens « lisses » ont cela de passionnant qu’ils sont indispensables aux « fulgurants », aux « dominants », aux « gueulants ». Il respire, de plus en plus profondément. 

Il ferme les yeux. Souffle. Il se lève. Il marche vers Manon. Elle lui sourit. Ce soir, chacun reprendra son rôle. 

Il la prend dans ses bras. Elle l’étreint et l’invite à s’aimer. Doucement, elle vient poser ses lèvres près de son oreille. Elle chuchote quelques mots. Il la regarde et sourit. Elle l’enserre. Dehors, quelques chiens aboient. Des pneus crissent. Quelques volutes de fumées s’échappent de cigarettes à peine entamées dans des bouches qui ont donné toute la nuit la pleine mesure des âmes en peine de ce monde agonisant. Demain, elle viendra avec lui. Elle a toujours aimé le sable chaud des plages indiennes. Il gémit.

{Prenez soin de vous… et des personnes que vous aimez… des corps… des âmes…profondément… au plus profond de vos rêves… un jour… promis }