J’ai hésité à écrire ces quelques lignes. Peur. Jugement. Indécence. Puis finalement. J’étale bien parfois ma vie au travers de mes posts, de mes tweets, de mes photos, de mes goûts musicaux. En quelques mots. Souvent trop courts. Vous dire que je vous aime. Vous dire que je me sens vide. Souvent sans espoir. De plus en plus. Vous dire que parfois je me demande ce que vous direz de nous pour ce que nous vous avons donné. La terre, où ce qu’il en reste. La compétition, ou plutôt la domination de certains. L’avilissement, ou plutôt le mépris de l’être humain. Un monde plus chaotique que le chaos. Une terre remplie de cupidité. D’avidité. Vos sourires. Tes histoires de tigre, de singe. Tes rires. Tes petits yeux qui me regardent. Ta main qui prend la mienne quand la nuit se remplit de cauchemar. Et toi mon grand, qui doucement m’invite à expliquer chaque jour un peu plus ce journal télévisé. A parler de musique, de cinéma, de sport. A me questionner sur le sens des choses. A rentrer seul à la maison. A prendre ton indépendance. Puis ma belle, (se) construire avec des frères, un papa la moitié du temps de ta semaine. T’écouter parler de tes amies, de tes soirées passées chez les copines quand je ne suis pas là. T’entendre me dire qu’il y en a marre du foot. Se caler dans le canapé et se regarder une comédie romantique tous les 2. Tes yeux. Je sais. Vous n’avez rien demandé. Me regarder. Te sourire. Vo(u)s sourire(s). Respirer…
« Boyhood », 2014. Patricia Arquette et Ethan Hawke. Ode à la vie. A nos vies. Le temps qui passe. Etre parent. Nos méandres. Ce que nous donnons, ce que nous laissons, ce que nous prenons. Des sourires. De la violence. Souvent celle d’une société. Et la réponse à la souffrance dans l’amour. Des parents. Qui font ce qu’ils peuvent. Du mieux qu’ils pensent. Avec leur peur. Leur manque. Se dire que le sel, il est là. Le regarder à nouveau.
Et vous. Toutes et tous. Autour de moi. Mes compagnes et compagnons de routes. Nous bougeons. Nous partons sur des chemins. Ils se parlent. Ils s’échappent. Ils reviennent. Nous faisons ce que nous pouvons. Nous sommes parfois broyés. Parfois pas. Nous nageons au-dessus de la ligne de flottaison. La suspension. Pour certaines et certains d’entre nous, c’est compliqué pour le moment. Comme si la quarantaine marquait nos corps et nos esprits d’une société qui nous a brûlés de n’avoir pas entendu que nous devions garder des espaces de respiration, que nos fertilités se construisent plus justement dans la douceur et dans la lenteur. Que le temps flexible et le temps comptable nous avaient confisqués et nous avaient mutilés plus durement que nous le pensions. Bien entendu, à regarder les images qui défilent et les posts des réseaux sociaux, nous nous levons chaque jour et nous mesurons nos peines. Migrants, viols, fraudes internationales, lapidation, emprisonnement, racisme, mutilation, explosion, maladie, famine, discriminations…
Dominique A, « le sens ». A écouter encore et encore. Pour la musique. Lancinante. Puissante. Subtile. Puis ces mots. Quelques phrases :
« J’ai tout essayé. J’ai pas trouvé le sens. J’ai marché dans les rues. J’ai écrit. J’ai aimé. J’ai voyagé. J’ai cru. J’ai nié des évidences. J’ai nagé nu. mais désolé j’ai pas trouvé le sens. (…) ».
Et le manque de sens collectif, c’est aussi l’absence des politiques. De la classe politique. Pas la politique. Investie. Il suffit d’entendre. La politique est investie. Tenter de construire un monde. Proposer. Regardez les initiatives citoyennes. Diverses. Qu’elles concernent des projets sociaux, culturels, sportifs, économiques, de projets agroalimentaires, d’arts, de réflexions. Cela bouge. Positivement. Il convient dès lors d’être lucide et de se dire que ce sont les acteurs politiques qui ne sont pas à la hauteur des projets citoyens. Du moins, qui sont sans doute coincés eux-mêmes dans un système de partis qui au mieux leur convient parce que leur permettant de construire des sphères de pouvoir, mêmes minimes à l’intérieur de leur réalité sociale. Les autres partent, soit effarés de tant d’ego venant interférer dans la sphère des décisions publiques, soit se (re)construisent dans des projets citoyens permettant d’agir réellement et concrètement pour la construction d’un monde plus juste.
David Van Reybrouck, « contre les élections », 2013. « Le peuple anglais pense être libre, il se trompe fort, il ne l’est que durant l’élection des membres du Parlement ; sitôt qu’ils sont élus, il est esclave, il n’est rien » Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, 1762.
Nous en sommes là. Pas seulement pour la politique. Pour la société. Pour l’économique. Pour le vivre ensemble. En même temps je dis (et pense parfois) le contraire. Tout autre chose. Les manifestations. « Imagine demain le monde ». Le sens. Les amis. La famille. Les enfants. Leurs sourires. Sa petite main dans la mienne. Se lever et marcher avec lui, avec eux, leur laisser prendre leurs chemins remplis de leurs envies et de leurs âmes. Et vous prendre dans mes bras. Rires. Regarder derrière nous. Se dire que nos cœurs et nos naïvetés d’amour valent plus que la « flexibilité productive du gagnant ». Et prendre cette petite ruelle de traverse. Seul. Pour le moment. Nécessaire. Fatigué mais confiant. C’est ma ballade. Mon ode à votre amour.