Le fossé se creuse…

Fossé. Divergence, désaccord, écart profond entre deux personnes, deux groupes, deux façons de penser. On en est là. Allemagne. Grèce. Pas seulement. Droite. Gauche. Profond. Avec un retour vers la gauche pour les oscillants du centre gauche. Parce qu’il n’y a pas de choix. La droite décomplexée accomplit son œuvre. Chez nous. En Allemagne. En UE. Fossé. Entre Troïka, FMI, BCE, Commission,… et une part importante de citoyennes et citoyens. Technostructures désincarnées de la démocratie mais qui agissent au sein de la démocratie comme des empereurs romains. Des dictateurs.

Le peuple et la démocratie semblent perdre. Les représentants européens et les gouvernements de la droite décomplexée envisagent le développement sociétal comme un grand jeu de chiffre désincarné par rapport à la condition des individus. Ce qui compte, c’est que le système économique structure le système politique qui lui-même développera alors des politiques qui permettront aux individus de se plier à la dictature économique de la croissance, de l’austérité, de l’appauvrissement des masses pour le bien-être de quelques-uns. Le gros mot tourne autour de « social » et ses dérivés: sécurité sociale, allocataires sociaux, études et filières sociales ou psychosociales, pension, soins invalidités et maladies, entreprises publiques… cela coûte, cela met à mal par un discours trop critique l’unique et seule voie qu’ils imposent : le marché. Il suffit de voir le taux de pauvreté allemand ou encore les conditions sociales des classes moyennes anglaises.

De l’autre côté, une part importante de citoyennes et citoyens qui n’en peuvent et n’en veulent plus de ce système. Parce que leur finalité est autre : le bien-être, individuel qui est légitime, mais général aussi. Ils voudraient d’une société qui considère que derrière les mesures prises par un gouvernement se trouvent en finalité de ces décisions les gens, les histoires humaines, qui voudraient juste qu’on les considère. Qu’on les respecte. Qu’on tienne compte d’eux. La droite décomplexée est aux antipodes de cela. Les politiques servent à des structures qui produisent des bénéfices qui engendrent des investissements qui peut être permettront du travail qui permettra peut-être des emplois dans des conditions désastreuses mais ce sera un emploi quand même. Certains s’en sortiront mieux que d’autres. Au détriment de leur santé, de la cohésion sociale, de leur vie, de la vie en société. Mais ils auront quelques privilèges de consommation excédentaire.

Le problème avec un fossé, c’est de pouvoir le combler. Or, aujourd’hui, c’est tout le contraire. Il se creuse. Charles Michel, en apôtre des technostructures, a entamé le travail chez nous, avec une coalition de droite droite, voire droite décomplexée dont ils rêvaient depuis des lustres. A cet égard, le fait que Lutgen et Di Rupo aient mis Michel de côté dans les coalitions régionales n’a fait que décupler la volonté farouche d’enfin avoir les mains libres à l’échelon fédéral. On s’en souviendra aussi. A l’échelle de l’Europe, ils avaient déjà fait œuvre ailleurs. De ce fait, les mouvements demandant un autre monde progressent, clairement sur des dynamiques de politiques dites de gauche, mais dans le même temps les tenants d’une droite décomplexée progressent aussi. Un fossé. Sans possibilité de rencontre.

Nous récoltons l’échec cuisant des socialistes qui ont voulu être des libéraux. A ne pas défendre leurs valeurs, à se laisser emporter dans une troisième voie sans issue, celle d’un marché, d’une structure qui n’est pas là pour améliorer le bien-être général et réduire les inégalités mais qui est là pour faire fructifier des dividendes qui nous échappent, nous commun des mortels. Ils ont laissé entrer la bête. Je ne peux pas en vouloir fondamentalement à Charles Michel, à Merkel, à Sarkozy, à Aznar, à Major, à Thatcher, à Chirac… Par contre, je peux décemment en vouloir à Delors (et cela me coûte), Mitterrand, Blair, Schroeder, Jospin, Hollande, … et l’ensemble des représentants socialistes de nos coalitions au moment des décisions importantes qui ont configuré cette gigantesque technostructure, joujou du FMI. J’ai grandi avec l’idée d’une UE qui allait nous permettre d’être solidaire d’autres qui ne parlaient pas ma langue, de découvrir des cultures musicales, cinématographiques, culinaires, de partager une monnaie qui nous (re)-lient sans nous empêcher d’être nous, une UE qui allait être surtout défenseur d’une certaine idée de valeur de respect des travailleurs-euses, des conditions sociales et sanitaires des citoyennes et citoyens, de l’ouverture à l’autre, de défendre la démocratie, l’intérêt général. Cette UE n’existe plus. Battue en brèche ou par la brèche que certains ont ouverte. A vos actions, c’est le seul et unique recours qui nous reste…