16 juillet

[Parenthèse 15… ]

{Les tintements des bracelets qui s’égayaient sur le poignet de ce jeune athlète avaient le don de laisser les regards se poser sur le corps presque parfait qu’il exhibait, sans réellement se rendre compte qu’il faisait saliver tant les jeunes femmes qui cachaient leurs yeux derrière leurs lunettes fumées que les hommes plus mûrs, qui, les mains dans les poches, imaginaient la nuit endiablée que son fessier si bien moulé pouvait augurer.

Assis à la table de ce petit café sur la place en cette journée d’été, il n’avait cure de ce ballet passionné des envies éveillées. Il la regardait, comme chaque mardi depuis maintenant ce qui semblait devenir l’éternité dans laquelle il devait se caler. Elle souriait aux passants, livrant son merveilleux sourire, un bras tendant un sac, pendant qu’une main prenait les quelques billets qui s’échangeaient. Elle avait l’air bien. Elle l’était. Aujourd’hui, il le savait. Il pouvait tout sentir. Ses longs cheveux tombaient sur ses épaules légèrement dénudées pendant que les muscles saillants de ses jambes s’activaient démesurément pour aller d’un coin à l’autre de leur échoppe que les touristes approchaient avec entrain, son mari, d’une beauté profonde, décochant des rires sonores qui la faisaient tressaillir, et parfois rougir. De temps à autre, il avait noté tout de même que son regard se perdait vers la chaise vide qu’il occupait. A ce moment, elle esquissait quelques mots qu’il accueillait au gré du vent changeant. 

A 12h tapante, il se levait, et s’éclipsait, non sans une dernière pensée pour la protéger de ce que la vie pouvait parfois infliger. En arrivant à sa destination du moment, il s’assit quelques instants. Là, Il arriva, accompagné de son fils. Massifs, encore élégants et attirants malgré leurs âges avancés, ils vinrent s’asseoir à côté de lui, dans cet espace un peu indéfinissable que pendant des années il s’était imaginé bien moins tangible et plus iconoclaste que ce qu’il vivait depuis quelques temps déjà. 

« Pourquoi tu y vas encore ? » lui dit-il gentiment mais fermement. « Tu le sais mieux que quiconque, non ? peut-être même plus que moi ». A ces paroles, il se retourna vers son fils : « il nous enterrera tous celui-là » et ils se mirent à rire aux éclats tous les trois. Il s’appuya sur son épaule, asséna une tape bienveillante dans le dos, le prit dans ses bras, et lui susurra : « Viens manger ce soir, j’ai gardé quelques bières, dont une aux effluves de whisky que tu dégusteras. Emmène avec toi la nouvelle, tu sais, celle du train… Ce sera l’occasion d’aborder avec elle quelques endroits où je voudrais que vous alliez, juste pour les apaiser… Tu sais… la vie et la mort continuent… à tout jamais… » En les regardant s’en aller, il se disait qu’il avait trouvé un foyer… le temps d’un instant… avant de reprendre son bâton de pèlerin…

Vers 16h, il s’était installé sur un rocher. En bordure de mer, il avait trouvé cet endroit il y a quelques temps. Un long chemin caillouteux, presque scabreux, emmenait qui le souhaitait vers une vue dominante sur la baie, et pour celles et ceux qui avaient le regard aiguisé, on pouvait apercevoir quelques lignes dessinées de bancs de poissons s’amusant dans les eaux d’un bleu turquoise. Elle arrivait toujours un peu au hasard. Cela le faisait sourire, sa fossette se creusant davantage encore. « Je savais que tu serais ici » lui dit-elle. « J’ai compris, le mardi, tu squattes ici. J’avoue que pour ton jour de repos, je ne pourrais pas trouver mieux. Tu as vu ? Il m’a mis le mardi aussi. Il parait que nous allons parcourir le monde ensemble… c’est son fils qui me l’a dit. Enfin, tu le connais lui, cela a pris plus de temps que ce que je te dis, mais au final… ». Elle parlait beaucoup. A contrario du silence qui s’imposait en lui. Il l’aimait bien. Elle avait peur. Du jour au lendemain… « puis être ce que nous sommes aujourd’hui » se dit-il. Elle vint se coller à lui, posa ses doigts sur les muscles de ses bras, et elle sentit ce qui l’avait emporté il y a quelques années déjà … Il esquissa un regard et pensa à la délivrance supposée du moment où son corps avait enfin lâché après tant d’années… Il serra sa main, et lui dit simplement : « ce n’est que le début, tu sais… pas la fin… il y a encore des chemins et des mondes… Je ne sais pas toi ce qui fait que tu es là, maintenant avec moi, à cet endroit… ce qu’Il a prévu ou pas, le peut-Il d’ailleurs… ou feint-Il de le savoir… sont-Ils plusieurs d’ailleurs et dans quels endroits ?… ce que tu cherches, tu le trouveras, si pas ici, dans un autre monde où nous allons pas à pas… comme à chaque fois… la métanoïa, Soraya…»… Elle l’a écoutée… elle ne comprenait pas tout… parfois, elle avait remarqué, il sortait de son silence… pour mieux y revenir, juste ses yeux…  Ils se sont levés… Puis ils ont disparu comme ils étaient venus… dans un soupir et un sourire…}

[ De la douceur…quelques sourires… prenez infiniment soin de vous…]