Cela faisait déjà quelques minutes qu’il avait les yeux ouverts. Derrière les tentures fermées, il voyait poindre quelques rayons. Il pouvait entendre du dehors quelques oiseaux chanter, le temps que la ville se réveille doucement. Sans réellement prêter attention, il devinait que ses voisins se retrouvaient, les gémissements qu’il percevait laissaient croire que le week-end serait festif. Il pense à cette vieille chanson. Elle doit avoir dix ans. « Open arms » de November Ultra. Ce serait parfait en cet instant. Il allume délicatement le baffle installé à côté de lui. La voix se pose. Quelques accords de guitare.
Allongé, il l’observait. Cela faisait quelques mois maintenant qu’elle venait régulièrement se blottir contre lui les nuits, au gré de leurs envies. « Sans attache » avaient-ils dit de concert. Il pose un doigt sur sa peau. Puis deux. Ou peut être plus. Ils s’apprivoisent. La douceur de sa peau. Ses courbes. Imparfaites. Comme les siennes. Ils en rient souvent. Il n’y a pas de peur. Il n’y en a jamais eu. Elle se retourne, lui sourit. Elle l’invite, et lui susurre : « cela nous fera une symphonie parfaite avec nos voisins ».
Elle enfile un de ses t-shirts. Ils iraient bien au marché, celui d’en bas. Puis rien n’empêche d’appeler leurs ami.es pour un verre quelque part, si le temps le permet. « Sans attache » repense-t-il. Elle lui sourit encore. Elle sait. « Sans attache » pense-t-elle. Cela fait 5 mois qu’ils sont « Sans attache » à partager une vie ensemble. Elle commence à l’aimer. Il l’aime depuis le premier soir. Ils ne se disent pas ces choses-là. Il ne peut pas. Elle le voudrait, mais elle sait qu’il n’est pas prêt à cela. Il est en colère. Pas comme sa sœur qu’elle a rencontré il y a deux semaines. Elle, c’est la manière qui la met en colère. C’est évident. Son frère, lui, n’a pas de colère. Cela se voit. Il écoute, il essaie de comprendre, il pacifie, il vit. Lui… c’est de la colère. Dès le premier soir, quand ils se sont racontés les parties qu’ils voulaient de leurs vies, c’était palpable. Froid. Dur. Sans pardon possible… ou du moins… A l’opposé de ce qu’il est dans tout le reste. « Je n’ai plus de père. Il est parti, comme cela. En nous laissant à chacun.e une lettre. Qui fait cela ? mais tu sais, le pire, c’est que je me demande si j’ai jamais eu un père… »
A la terrasse du café, sous un soleil d’été, attablés avec leurs ami.es, il l’enlace, et doucement, dans un geste un peu inattendu, dépose un baiser dans son cou. A son poignet, il regarde les bracelets qu’elle lui a donné. Les siens. « Juste parce qu’ils te vont bien ». Sur le coin de la table, les bières s’accumulent, le temps file et des vacances s’improvisent. Pas pour maintenant. Là, ils vont partir dans le sud de la France. Un trip à vélo. Juste elle et lui. Descendre. Transpirer. Oublier. Se regarder. Bouger leurs corps. Là, c’est un voyage de groupe qui se préparent. Ils rient. Quelques sourires plus doux. Une idée folle. « Vous pensez quoi du Kerala ? ». En janvier, après la session. « C’est la meilleure période » ajoute l’un d’eux. C’est plié. La soirée s’est invitée. La fraicheur s’installe. Elle remet son pull. Elle se lève. Cherche une cigarette. Caresse délicatement ses cheveux. Prend sa main. « Sans attache »…
{Prenez soin de vous… et des personnes que vous aimez… des corps… des peaux… des âmes…profondément… intensément… même au plus profond de vos rêves… de qui vous êtes… au jour le jour des mois qui passent…}